Au Festival Géopoli’bulles
Une trentaine d’élèves de 1re 5 et 1re 7 étaient invités au Festival Géopoli’bulles de Brest le 5 avril, afin de rencontrer les auteurs – scénaristes et dessinateurs – des bandes dessinées qu’ils avaient lues au préalable, en tant que membres du jury du Prix Géopoli’bulles 2024. L’occasion d’assister à deux tables rondes passionnantes.
Après l’allocution d’introduction prononcée par le député du Finistère, Jean-Charles Larsonneur, diplomate de formation et membre de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, place à la table ronde consacrée aux « Peuples sans patrie » : Vicky Lyfoung, à l’origine de Hmong, une sorte de manga sur son histoire familiale – celle d’une famille Hmong du Laos, réfugiée en France en 1977 – et Mylène Sauloy, qui a enquêté sur Les filles du Kurdistan, ont ainsi pu échanger avec le journaliste Eric Darbré, scénariste, et son comparse dessinateur, Eliot Franques. Ils sont tous deux lauréats du Prix Géopoli’bulles 2024, leur BD, Les Ouïghours un peuple qui refuse de mourir, ayant été primée par les lycéens.
La matinée s’est toutefois avérée bien trop courte pour épuiser toutes les questions des élèves présents. Mais pas pour bien comprendre à quel point la bonne dessinée se révèle un parfait support afin de faire découvrir des peuples méconnus et souvent opprimés. Elle permet en effet, contrairement au film documentaire, d’éviter de mettre les témoins en danger. Elle aide ainsi à la médiatisation de la cause des petits peuples. Eric Darbré explique par exemple qu’un Ouïghour s’est ainsi adressé à lui en ces termes : « on est en train de disparaître et tout le monde s’en fiche. On veut que notre souffrance soit médiatisée ».
Mylène Sauloy a, quant à elle, révélé que les journalistes bénéficient d’une formation pour faire face aux dangers sur le terrain. Le but : apprendre à protéger les témoignages, à dissimuler les rushs mais aussi à bien prendre conscience qu’ils mettent en danger les personnes acceptant de témoigner pour eux. Il importe donc de prendre le maximum de précautions afin d’éviter de les exposer à toute mesure de rétorsion. Se faire passer pour un touriste, ne pas filmer les visages, ne pas poser de question politique, ne pas même faire appel à des traducteurs sur le terrain mais attendre d’être revenus en France pour décrypter les messages enregistrés, autant d’astuces présentées aux lycéens.
L’après-midi, la seconde table ronde avait pour thème « Le sport et la géopolitique ». Le local du jour, le Brestois Kris, tout en expliquant sa manière de travailler avec son dessinateur Rey, a levé le voile sur un pan de l’histoire encore méconnu des lycéens et présenté dans son ouvrage Un maillot pour l’Algérie : quelques temps avant la coupe du monde de 1958, une dizaine de footballeurs d’origine algérienne quittent en effet la France clandestinement pour créer la première équipe de football d’Algérie (équipe du FLN) et se faire ainsi les porte-paroles de la cause indépendantiste. Au cœur de son récit, l’histoire de Rachid Mekhloufi, qui compte alors 4 sélections en équipe de France et s’apprête à revêtir le maillot arborant le coq pour participer à la coupe du monde.
Lors de la même intervention, les élèves ont aussi pu bénéficier d’une séance de compréhension orale en espagnol : le scénariste (Pepe Gálvez) et le dessinateur (Guillem Escriche) de la BD Le match de la mort – Kiev, 1942 se sont en effet adressés à l’assistance dans la langue de Cervantes, une étudiante de l’UBO, Léa, se chargeant ensuite de la traduction.
Quant à Robin Walter, auteur de Transversale, une petite BD d’une vingtaine de cases réalisées chaque mois, il a pu présenter à l’auditoire le rapport entre sport, histoire et société, au travers d’une grande diversité d’exemples : Le drame de Munich (sur l’attentat de 1972 contre la délégation israélienne), « Pétro football », j’écris ton nom (sur la mainmise actuelle des pétromonarchies sur le football), Le foot français ? Une histoire d’immigration, ou encore L’Ukraine est ma patrie (sur le footballeur ukrainien Andreï Chevtchenko).
Le mot de la fin – quoique énoncé dans l’allocution inaugurale – revient à Jean-Charles Larsonneur : « La BD est une joie et une aventure. La géopolitique, c’est à la fois un humanisme et un réalisme ». La bande dessinée, et plus encore « le roman graphique constituent une ouverture vers un imaginaire, une rencontre avec l’autre. Ils favorisent la compréhension d’autrui par la tête et par le cœur ». En effet, le 9e art permet à la fois la mise à l’honneur de peuples en recherche de reconnaissance et la sensibilisation d’un large public. De comprendre par ailleurs que le sport est toujours politique et que l’Histoire n’a d’intérêt que si elle parle au présent. Messages parfaitement reçus par les plus de 700 lycéens participant au Festival Géopoli’bulles !