Résistante de Brizeux : Anne Corre

Anne Corre (1925-1945) : figure emblématique des lycéennes résistantes de Brizeux, disparue en déportation

Anne Corre est une jeune résistante française qui, dès l’âge de 15 ans, s’engage dans la lutte contre l’occupation allemande. Lycéenne au moment de son entrée dans la Résistance, et scolarisée au lycée Brizeux de Quimper à la rentrée 1943, elle mène des actions courageuses au sein du groupe Marceau, rattaché à Libération-Nord, avant d’être arrêtée et déportée. Son parcours exemplaire, qui se termine tragiquement dans un camp de concentration à l’âge de 19 ans, illustre le courage et le sacrifice de la jeunesse française pendant la Seconde Guerre mondiale.

Une jeunesse marquée par un engagement précoce

Née à Lambézellec (Brest), le 27 mai 1925, Anne Corre habite à Daoulas. Son père y tient un garage, tandis que sa mère travaille comme institutrice. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Anne est lycéenne à Brest. Elle participe alors à un rassemblement interdit le 11 novembre 1940, devant le Monument aux morts. Avec des amies, elle fleurit aussi la tombe d’aviateurs anglais abattus au-dessus de Brest. Premiers actes de Résistance… à 15 ans.

Mais entre les bombardements (qui entraînent la fermeture des lycées de Brest) et les craintes de ses parents devant les risques qu’elle prend, elle se trouve contrainte, par ceux-ci, à poursuivre sa scolarité à Paris (au lycée Victor Duruy), où étudie déjà sa cousine Mado. Grâce à cette dernière, elle rencontre Geneviève, la nièce de Charles de Gaulle et commence à distribuer des tracts. Sa participation à la Résistance se fait alors de plus en plus active, si bien que ces agissements inquiètent ses parents qui décident de la faire revenir dans le Finistère pour la poursuite de ses études. Elle entre donc au lycée Kernéguès à Morlaix (actuellement Tristan Corbière) où elle… distribue Libération, un journal clandestin de la Résistance. Mais après le tragique bombardement sur le viaduc causant près de 70 morts, son lycée est fermé.

Le lycée Brizeux : un foyer de Résistance au cœur du groupe Marceau

C’est donc au lycée Brizeux de Quimper qu’elle vient étudier à la rentrée de septembre 1943. Avec ses amies Jacqueline Razer et Eliane Burckel, elle intègre, sans doute à la fin de l’année 1943 (novembre ?) ou en janvier 1944, le groupe de résistance Marceau, contrôlé par le Mouvement Libération-Nord, dont sont aussi membres des jeunes gens élèves au Lycée La Tour d’Auvergne.

Au sein du groupe Marceau, Anne Corre assume un rôle polyvalent et crucial. Elle sert notamment d’agent de liaison entre les différents membres, participe à des actes de sabotage et poursuit la distribution de tracts et du journal clandestin « Libération ». Ses compétences en allemand s’avèrent précieuses pour le groupe. Lorsque ses camarades masculins se réfugient dans un moulin à Plogonnec, au nord de Quimper, début mars 1944, Anne contribue au ravitaillement du maquis avec d’autres filles du lycée Brizeux, dont son amie Jacqueline Razer. Mais sa mission principale consiste avant tout à pister les agents français travaillant pour les Allemands, une tâche dangereuse mais essentielle pour la sécurité du réseau. Grâce à elle, Bernard Massotte, un collaborateur qui pense avoir infiltré le groupe Marceau, est abattu le 25 avril 1944. Suite à cet acte, Anne est identifiée et recherchée par les services français et allemands. Elle doit alors prendre le maquis (dans les gorges du Stangala), avec Jacqueline, pour rejoindre les garçons du groupe Marceau qui y ont déjà trouvé refuge. Elles sont ensuite exfiltrées vers Douarnenez, puis Brest.

Une fin tragique mais un héritage durable

Le 23 mai 1944, alors qu’elles se rendent à un rendez-vous clandestin, Anne Corre et Jacqueline Razer sont repérées par le supplétif Emile Guilcher, arrêtées au Café des Voyageurs et emprisonnées successivement à Brest, Quimper, puis Rennes. Elles sont alors déportées vers l’Allemagne, dans un ultime convoi partant de la capitale bretonne le 3 août 1944, la veille de la Libération de la ville.

Arrivée le 4 septembre 1944 à Ravensbrück, Anne Corre y devient le matricule 62813. Elle est employée de force dans une usine pour femmes à Genshagen, à la construction d’avions de guerre pour l’entreprise Mercedes-Benz. Le 19 avril 1945, elle rejoint le camp d’Orianenburg-Sachsenhausen, où, atteinte de la tuberculose, elle perd probablement la vie fin avril ou début mai, bien que les circonstances exactes de sa disparition restent incertaines. Elle n’a même pas 20 ans.

Le sacrifice d’Anne Corre, comme celui de nombreux jeunes résistants, a joué un rôle crucial dans la lutte contre l’occupation nazie. Son courage et son engagement, malgré son jeune âge, témoignent de la force de la Résistance française. Elle a du reste reçu à titre posthume de nombreuses médailles et reconnaissances (médaille Militaire, Croix de Guerre 1939-1945 avec palme et médaille de la Résistance française). Aujourd’hui, son nom est honoré non seulement à Daoulas, sa ville natale, où une place porte son nom, mais aussi au sein du lycée Brizeux, perpétuant ainsi la mémoire de cette héroïne et rappelant aux générations futures l’importance de la résistance face à l’oppression. L’histoire d’Anne Corre continue d’inspirer et de symboliser le rôle vital que les jeunes, et particulièrement les femmes, ont joué dans la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.

Témoignage d’Yvette Kerautret (Ménez de son nom de jeune fille), née à Daoulas le 23 février 1927 et décédée à Brest le 14 novembre 2015

« Pendant ce temps, les Allemands sont arrivés au lycée, ils nous ont toutes « ramassées » dans une classe et ils ont fouillé dans tous les casiers. »

Attestation du lieutenant-colonel Berthaud, chef départemental des FFI

«  Je soussigné lieutenant-colonel Berthaud, chef départemental des FFI, certifie que mademoiselle Anne Corre, domiciliée à Daoulas, et qui faisait en 1944 ses études au lycée de Quimper, appartenait, dans la Résistance, au groupe Marceau de Quimper.

Elle mena à bien toutes les missions qui lui furent confiées et en particulier celles qui consistaient à dépister les agents français de la Gestapo.

Arrêtée à Brest au cours d’une de ses missions, elle fut incarcérée à Rennes puis déportée en Allemagne ».

Extraits du « Journal du groupe Marceau », rédigé par Henri Pellen (alias Max), chef du groupe de résistance Marceau

Sur la formation du groupe Marceau

Sur le ravitaillement du maquis par les jeunes femmes du groupe Marceau

Sur l’assassinat du « collabo » Bernard Massotte

Additif au journal du groupe Marceau, rédigé par un des membres féminins du groupe Marceau (probablement Yvette Bicrell)

« La fille au carnet pourpre », bande dessinée réalisée par Roger Faligot (scénariste) et Alain Robet (dessinateur) sur le parcours d’Anne Corre : de son engagement dans la Résistance à sa mystérieuse disparition en déportation.